Ça y est, après un an à vivre et explorer la Nouvelle-Zélande, notre PVT touche à sa fin, et il est temps pour nous de partir. Ce n’est pas évident de faire un bilan et de mettre des mots sur tout ce qu’on ressent… mais on va essayer du mieux qu’on peut.
Commençons par le plus simple, ce qu’on ressent là, maintenant, au moment du départ. On a la tête remplie de souvenirs et le cœur rempli de joie et d’amour, et on ressent un drôle de mélange entre nostalgie et excitation. De la nostalgie pour ce qu’on vient de vivre et qu’on ne revivra plus jamais de la même façon, et en même temps, de l’excitation pour la suite.
C’est difficile à réaliser : on vient de passer un an à l’autre bout du monde. C’est à la fois passé à une vitesse folle, et à la fois on a eu l’impression d'avoir vécu mille vies différentes, qu’on en vient à ne plus vraiment se souvenir de notre vie en France. Elle nous paraît si lointaine.
Ce qui nous marque le plus aujourd’hui, c’est justement le nombre de "vies" différentes qu’on a eues en un an. Chaque lieu, chaque rencontre, chaque job nous a plongés dans une routine complètement nouvelle, et on s’est tellement immergé dedans que même quand ça ne durait que deux semaines, on avait l’impression que c’était notre vie depuis toujours.
Au fil de l’année, on a eu la chance de vivre trois expériences de travail complètement différentes, et chacune nous a offert un quotidien unique, avec son propre rythme, son ambiance et ses petits rituels. Ces expériences ne nous ont pas seulement appris des métiers, elles nous ont surtout permis de découvrir des modes de vie très différents les uns des autres.
Il y a d’abord eu notre expérience dans un petit village de l’île du Sud, où on travaillait dans un pub et un hôtel. Cette vie au rythme lent, entourés uniquement de locaux, nous a plongés dans une atmosphère calme et chaleureuse, à la campagne. On a tout simplement adoré et c'était le moyen parfait de commencer notre PVT.
Puis, changement total d’ambiance avec l’usine de kiwis dans l’île du Nord. Cette fois, on était entourés surtout d’autres backpackers comme nous. Les journées étaient longues, les tâches répétitives, mais c’est aussi là qu’on a découvert la vie en communauté avec plein d’activités partagées. On a rencontré beaucoup de jeunes venus du monde entier, avec qui on a partagé nos repas, nos soirées et nos galères. Une toute autre énergie.
Et puis il y a eu cette expérience éclair sur un chantier au black. Aussi courte qu’improbable, elle a débarqué de nulle part et s’est révélée être un petit concentré de bonne humeur : du soleil, de la rigolade… et un joli billet à la fin. C’était totalement imprévu, mais justement, c’est ce qui en fait un souvenir marquant. Un de ces moments qu’on n’aurait jamais imaginé vivre, et qui sort complètement du cadre.
Mais nos quotidiens variés ne se sont pas limités aux jobs rémunérés. On a aussi découvert l’univers du HelpX, et ça a été une des plus belles surprises de notre voyage. Ces expériences dans des fermes, des maisons ou des projets locaux nous ont plongés dans des univers très différents, qu’on n’aurait jamais connus en France. Et surtout, c’est là qu’on a fait certaines de nos plus belles rencontres.
Le HelpX nous a offert un nouveau moyen de s’ouvrir aux autres. On a partagé des moments simples, sincères, avec des belles personnes, et c’est souvent avec eux qu’on garde les souvenirs les plus forts. On peut dire sans hésiter que faire du HelpX a été l’une des meilleures décisions qu’on ait prises pendant ce voyage.
On a aussi appris une nouvelle façon de recevoir. En France, on a tendance à tout organiser autour des invités, à changer son rythme, à s’adapter. Ici, c’était tout l’inverse. Les gens continuaient leur quotidien sans rien modifier, et nous invitaient simplement à y prendre part. Ils ne changeaient rien pour nous, mais nous ouvraient leur porte et ils nous intégraient à leur vie. Et au final, c’est une belle façon d’accueillir aussi.
Entre toutes nos expériences de travail et de HelpX, on a aussi fait beaucoup de visites, de roadtrips, et profité de moments de détente et de vacances.
On a eu la chance d’accueillir nos familles, ce qui nous a permis de partager un peu avec eux ce pays dans lequel on a vécu. C'étaient vraiment des moments précieux passés en famille. La distance donne plus de valeur au temps passé ensemble, et on s’est rendu compte qu’on avait passé plus de moments de qualité avec nos proches pendant ces visites que lorsqu'on est en France.
On a aussi vécu des expériences insolites, comme passer une semaine à Melbourne pour le Grand Prix d’ouverture de Formule 1, un souvenir incroyable qui restera gravé dans nos mémoires.
On associe assez naturellement des ambiances et des souvenirs différents à chacune des deux îles. L'’île du Sud évoque pour nous un sentiment de liberté et de sécurité. Ce calme absolu, ces routes vides, ces paysages sauvages à perte de vue, presque intacts… On s’y est sentis seuls au monde, mais dans le bon sens du terme : en sécurité, libres, vivants. L’île du Nord, elle, c’est celle des rencontres. C’est là qu’on a le plus créé de liens, passé du temps avec d’autres voyageurs ou locaux. Et le voyage, c’est aussi ça. Ce n’est pas seulement des beaux paysages, c’est aussi des gens, des échanges, des moments de partage.
C’était important pour nous de rencontrer du monde, parce que même si on s’aime très fort avec Vianney, ce n’est pas une situation très commune que de passer 24h/24, 7j/7 avec la même personne. L’humain n’est pas vraiment fait pour ça, et on a vite compris à quel point c’était essentiel de pouvoir aussi couper, chacun de son côté, et de vivre des choses avec d’autres personnes.
Cette expérience nous aura appris énormément sur notre couple, et sur la communication. C’était la première fois qu’on quittait notre ville et nos familles pour plus d’un an, mais c’était aussi la première fois qu’on vivait ensemble. Et le faire à l’autre bout du monde, loin de nos repères, loin de nos proches, dans un espace minuscule (un van), ça représente quelques défis.
Mais après un an loin de tout, à vivre dans l’inconfort, on s’aime toujours autant, si ce n'est plus. Et on est aujourd’hui prêts à emménager ensemble à notre retour, dans un espace un peu plus grand et avec un peu plus de confort.
Parce qu’en effet, du confort, on n’en a clairement pas eu toute l’année. Mais ça nous a appris à apprécier toutes ces petites choses du quotidien qu’on considère comme normales et acquises en France : une douche chaude tous les jours, de vraies serviettes de bain, un évier propre pour faire la vaisselle, une cuisine pratique… et tout simplement un chez-soi où on peut se sentir à l’aise, sans gêne.
Pendant un an, on a dû apprendre à se sentir « chez nous » chez des inconnus. Même si on arrive à vivre chez les autres, on n’est jamais vraiment chez soi. Il faut souvent s’adapter, accepter un niveau de confort ou de propreté différent, et comme on est invités, on ne se permet pas vraiment de commenter ou de changer les choses.
Mais tout ça nous a aussi aidés à mieux cerner ce qui nous plaît, ce qui nous apporte du réconfort, ce qu’on aimerait retrouver dans notre futur chez-nous.
Toutes ces petites choses vont nous aider à mieux accepter le retour à une certaine routine en France. Retrouver du confort, un espace à soi, des repères… Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas aimé cette année, bien au contraire. Mais vivre dans l’inconfort en permanence, et changer très régulièrement d’endroit, chez des personnes différentes, ça fatigue. Et on sent qu’on appréciera vraiment de retrouver un peu de stabilité.
Il y a eu des moments clés pendant ce PVT, qui font qu’on vivra sûrement notre vie un peu différemment en rentrant que si on n’était jamais partis. Pas forcément différemment dans les choix, mais de façon plus intentionnelle.
Le premier de ces moments, c’était une discussion avec un collègue de travail au pub : Keith. Il avait la cinquantaine, et il n’avait qu’un seul bras. Malgré ça, il faisait son boulot de barman sans jamais se plaindre. Il gérait une salle entière à lui tout seul, jouait au billard avec les habitués (et gagnait souvent), jouait au golf régulièrement, participait même à des compétitions nationales. Il faisait tout comme les autres, sans se plaindre.
Un soir, une discussion nous a amenés à lui poser des questions sur son accident, et il nous a raconté son histoire. Cette conversation m’a vraiment marquée.
À 20 ans, il travaillait en cuisine dans un restaurant étoilé à Londres. Un soir, il rentre du travail avec des amis. Il s’endort à l’arrière de la voiture. L’un de ses copains est au volant. Puis, un accident. Très grave. Keith est le seul survivant, mais il s’en sort de justesse. Il est défiguré, le dos brisé, il perd un bras. Après plusieurs mois à l’hôpital, de chirurgie reconstructive et de rééducation, il survit. Mais pour lui, la seule chose qui compte, c’est qu’il est passé d’un jeune homme ambitieux, beau, en pleine ascension pour devenir chef étoilé, à quelqu’un de méconnaissable, handicapé, dont le rêve s’est envolé. Il tombe en dépression.
Pendant son hospitalisation, il partage un moment sa chambre avec un garçon de 12 ans. Ils discutent et le petit dit qu’il a mal aux jambes, mais que ce n’est sûrement pas grand-chose. Il pense sortir bientôt. Un jour, pendant que le petit garçon est en consultation, Keith discute avec la mère du garçon. Elle lui confie que son fils a un cancer, qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre… mais qu’elle ne lui a rien dit encore, parce que c’est son anniversaire le lendemain. Elle veut lui laisser fêter ses 13 ans comme n’importe quel enfant.
Quelques jours plus tard, Keith reparle avec le garçon. Et il reste positif. Il dit c'est malheureux mais qu’il n'est pas triste. Certes il a que 13 ans mais il a vécu 13 très belles années, et que c’est déjà une chance.
Ce jour-là, Keith s’est fait une promesse : ne plus jamais s’apitoyer sur son sort. Il a décidé de vivre le plus normalement possible, de faire tout ce qu’il pouvait encore faire, et de ne jamais oublier la chance qu’il avait d’être encore en vie.
Cette conversation m’a profondément marquée, et j'y ai repensé souvent depuis.
Quelques mois plus tard, pendant notre travail à l’usine, j’ai repensé à cette conversation. C’est le genre de travail qui laisse beaucoup de temps pour réfléchir, et je me suis souvent repassé des moments de ma vie dans ma tête. Et je me suis demandé : est-ce que ce n’est pas ça, finalement, le but de la vie ? Vivre de façon à ce que, le jour où tout s’arrête, peu importe l’âge, on puisse se dire qu’on a eu une belle vie.
Avec Vianney, on s’est rendu compte de quelque chose cette année : les souvenirs nous rendent souvent plus heureux que le moment lui-même. Ce n’est pas toujours pendant l’instant qu’on savoure le plus, mais dans ce qu’on en garde ensuite. Et c’est plutôt une bonne nouvelle, parce que le moment en lui-même ne dure que quelques heures ou quelques jours, alors que les souvenirs, eux, restent pour la vie.
Et pour avoir des souvenirs, il faut avoir des projets. Mais il faut surtout les réaliser.
Les projets, ça peut être plein de choses : voyager, faire un rallye, se marier, avoir des enfants, construire la maison de ses rêves… Et souvent, ça demande de l’argent. Et comme dans une vie « normale », l’argent n’est pas illimité, il faut faire des choix.
Alors comment faire ? On pense que la clé, c’est de se rappeler régulièrement ce qui compte vraiment pour nous. D’avoir des priorités claires, à certains moments de la vie. Pour ne pas se perdre dans la routine, ni dans les dépenses du quotidien. Pour éviter de s’éparpiller entre trop de projets et ne jamais en réaliser vraiment.
Si on devait résumer cette année en un mot, ce serait : vivre. On a tout simplement vécu. On a l’impression d’avoir trouvé notre propre façon de vivre pleinement. Pour nous, ça passe par la création de souvenirs, sous toutes leurs formes.
On essaye d’être présents dans l’instant, bien sûr. Mais on a aussi compris que ce n’est pas très grave si le moment n’est pas exactement comme on l’avait imaginé. Parce qu’une fois qu’il est passé, en quelques jours à peine, ce qu’il en reste, c’est que du positif et le négatif s’efface doucement. Aujourd’hui, on a la tête remplie de magnifiques souvenirs. Et c’est ça qui remplit notre cœur de joie.
Et la cerise sur le gâteau : on a réussi notre pari. On voulait vivre cette année en Nouvelle-Zélande uniquement avec l’argent gagné sur place, et on repart avec autant qu’à notre arrivée. Ce qui va nous permettre de continuer à voyager, de continuer à créer des souvenirs… mais dans un autre style.
On termine ce PVT chez Sally et Laurence, à Auckland. Et on est chouchoutés. On ne pouvait pas rêver mieux pour finir l’aventure que d’être accueillis par les hôtes avec qui on a le plus accroché. Dès qu’on a franchi la porte, on s’est sentis à la maison. C’est probablement l’endroit en Nouvelle-Zélande où on s’est sentis le plus « chez nous », et c’est sûrement parce qu’ils partagent des valeurs proches des nôtres, proches de celles qu’on connaît en France.
Ces trois derniers jours, on les a passés à cuisiner ensemble des repas délicieux (dont un bœuf bourguignon et une fondue !), à les déguster et à avoir de longues discussions autour d'une bouteille de vin. Il n’y a pas de plus belle façon, pour nous, de clôturer cette aventure. On espère vraiment les revoir un jour en France.
On se sent tellement chanceux d’avoir vécu tout ça. Il suffit d’y repenser pour que le sourire nous remonte jusqu’aux oreilles, sans qu’on puisse l’arrêter. Et puis, maintenant, on a ce blog pour revivre cette année autant de fois qu’on veut ! Cette année nous a sûrement fait un peu changer, c’est certain. Mais surtout, on l’a vécue ensemble et on a grandi dans la même direction. On n’a aucun regret, on est juste… heureux.
C’est pas ça, le but dans la vie ?